Amphore de Saint-Etienne

32èmes Rencontres Européennes de l'association INEDITS

Aleksandr Kiselev, Marina Drozdova

Il est rare qu'une forme d'art s'inscrive dans une temporalité. Le cinéma amateur est l'une de ces formes d'art. Il commence au début du XXe siècle et s'achève à la fin de celui-ci, cédant la place à la lutte contre la dissonance cognitive sous forme de « selfies », tentative de documenter sa propre existence.

Ceux qui faisaient du cinéma amateur poursuivaient d'autres buts, peut-être inconsciemment. C'était un processus coûteux, ce qui signifiait qu'avant de cliquer sur le bouton d'enregistrement d’une caméra vidéo, une personne devait décider si ce qui se passait devant l'objectif valait la peine d'être conservé pour l'éternité, à la manière des tablettes cunéiformes des Sumériens ou les vases de l'Antiquité.

Il est inutile de critiquer le contenu dans ce contexte. Les Sumériens n'enregistraient pas de révélations et les potiers des temps anciens n'essayaient pas de créer des chefs-d'œuvre en fabriquant leurs vases. Mais ici, nous abordons la notion archéologique de la « couche culturelle » – une partie de l'histoire qui n'est pas associée aux gouverneurs, aux victoires, aux triomphes et aux changements tectoniques mondiaux dans le développement des civilisations. Ici, on parle d'un être humain. Dans ce cas, d’un cinéaste amateur.

Tous ceux qui ont déjà utilisé une petite caméra, connaissaient ses sons rappelant le chant d'une cigale un soir d'été, pouvaient faire la différence entre l'odeur du film quand on le met dans la caméra vidéo ou après qu'il a été développé… Et puis le sentiment d'attendre un miracle après la mise du film dans un projecteur. Que verrait-on ? C'est toujours un mystère. Chaque cinéaste sait que chaque caméra a son propre tempérament. Certaines caméras aiment filmer des paysages, d'autres préfèrent les vacances. Certaines adorent filmer les gens, et pas tout le monde, mais de manière sélective. Par exemple, une caméra pourrait aimer une fille portant un chapeau, et elle aurait l'air incroyable à l'écran, peu importe comment vous la filmez. D'un autre côté, la même caméra peut ne pas aimer cet homme aux cheveux noirs, même s'il est votre patron, alors il apparaît toujours sur le film comme une caricature de lui-même.

La petite ville de Saint-Etienne, située non loin de Lyon avec son ambiance pompeuse, offre des vues agréables, une belle architecture, des jolis cafés et une cinémathèque qui se considère comme la plus ancienne de France et célèbre son centenaire. Même si ce n'est pas tout à fait exact, montrons notre respect. Après tout, ce n'est pas une compétition. Il n'est pas si important de savoir qui a commencé en premier. Ce qui est important, c'est qui est toujours dans le jeu.

Et la Cinémathèque de Saint-Etienne est toujours sur les bons rails. Une immense bibliothèque avec une salle de lecture animée, ce qui est assez rare. Salles de projection. Auditoriums. Une exposition extrêmement intéressante d'anciens projecteurs de cinéma, dont certains sont en état de marche. Une collection de documentaires amateurs tournés au format 9,5 mm. La plupart de ces documents ont été numérisés et sont à la disposition des visiteurs. C'est une excellente solution car tout conservateur de musée sait à quel point il est difficile de donner accès à des originaux, qui pourraient si facilement être endommagés. Ainsi, travailler avec des copies numérisées est bénéfique tant pour les dépositaires que pour les visiteurs ou les chercheurs.

Maintenant, revenons un instant sur ce qu'il y a sur ces bandes vidéo. A première vue, rien de spécial. Anniversaires, rassemblements, fêtes de Noël et vacances... Rien de spécial. Peut-être pas si important pour l'Histoire, mais infiniment intéressant et touchant, comme cette entrée de journal trouvée au hasard : « Il y avait des pommes de terre pour le dîner ce soir, et papa a fait rire tout le monde en faisant semblant d'être une pomme de terre qui était sur le point d'être cuite ». C'est de cela que la véritable histoire humaine est faite.

(Photo - la Cinémathèque de Saint-Etienne)